Lorsqu’on est chef d’entreprise et que l’on souhaite céder ses parts, la fiscalité peut réduire considérablement le bénéfice de la vente… En particulier lorsque la plus-value est importante ! Heureusement il existe un dispositif fiscal bien connu pour différer, voire annuler l’imposition sur la plus-value : l’apport cession de titres.
Qu’est-ce que l’apport-cession au titre de l’article 150-0 b Ter ?
Un dispositif qui répond à une préoccupation courante chez les dirigeants
La France dispose d’un tissu économique important ; en 2020 déjà, le nombre d’entreprises créées atteignait un nouveau record : 848 200. Mais qui dit beaucoup de sociétés, dit logiquement beaucoup de revente… Ainsi, chaque année, 75 000 entreprises sont mises en vente par leurs propriétaires. Lorsque cela arrive, l’une des principales préoccupations pour le chef d’entreprise ou l’entrepreneur qui cède ses parts (que ce soit en partie ou en totalité), est la fiscalité.
Il faut dire que la plus-value gagnée lors de la revente est très fortement imposée, parfois jusqu’à 30% ! Heureusement, pour éviter cela, il existe l’apport cession, qui permet de bénéficier d’un report d’imposition, voire d’une exonération d’impôt sur la plus-value de cession. Tout cela est spécifié dans l’article 150-0 b Ter du CGI.
En quoi consiste l’apport-cession ?
Le remploi apport-cession est un régime d’imposition dérogatoire décrit dans l’article 150-0 b Ter du Code général des impôts (CGI). Voici ce qu’il est précisé :
Dans un premier temps, le dirigeant actionnaire doit apporter les titres de la société opérationnelle à une Holding qu’il aura créé pour l’occasion (c’est l’étape 1 : l’apport). Aidé de son expert-comptable et d’un commissaire aux apports, il doit déclarer la plus-value en estimant la valeur de sa société au moment de l’apport.
A ce stade l’imposition sur la plus-value est gelée, et ne se s’appliquera que si l’un des trois évènements survient :
- La Holding cède les parts de l’entreprise opérationnelle
- La Holding cède ses propres parts
- La Holding et/ou la société opérationnelle déménage son domicile fiscal hors de France
Les deux premiers points l’indiquent clairement : si l’actionnaire, par le biais de la Holding, vend les titres de la société opérationnelle (c’est l’étape 2 : la cession), il devra théoriquement payer l’impôt sur la plus-value réalisée.
Mais alors, quel intérêt de passer par une Holding si le résultat est le même en cas de cession ? Réponse : la loi prévoit quelques exceptions qui permettent à la Holding de maintenir le « gel » de l’impôt sur la plus-value de cession.
Les conditions pour un report d’imposition
Une Holding peut continuer de bénéficier du report d’imposition après cession des titres, si elle réinvestit tout ou partie du produit de la vente. Les conditions diffèrent selon la durée qui sépare l’apport des titres vers la Holding (étape 1) de la vente des titres (étape 2).
Situation 1 : la cession des titres intervient 3 ans avant l’apport
C’est le cas le plus contraignant : pour bénéficier d’un report d’imposition de la plus-value d’apport, la Holding doit réinvestir au moins 60% du prix de cession dans les 24 mois, et dans une activité économique précise qui peut être :
- Une prise de participation dans le capital d’une entreprise française
- Une reprise d’activité économique en France (par exemple le rachat d’une entreprise en difficulté)
- Un investissement dans un fonds d’entreprises non cotées, les plus connus étant les FCPR et les FCPI
Par ailleurs la Holding doit conserver ses investissements pendant au minimum 12 mois. Précisons que ces derniers présentent dans la majorité des cas des risques de perte en capital ainsi que des risques de liquidité (difficulté de revendre son investissement).
Il existe des Fintechs et des cabinets spécialisés qui aident les bénéficiaires d’un apport-cession de trouver les meilleures solutions de réinvestissement compatibles aux exigences de l’article 150 0 B Ter.
Ce réinvestissement contraignant doit concerner au minimum 60% du produit de cession ; les 40% restant peuvent être réinvestis comme vous l’entendez ou conservé en liquidité.
Situation 2 : la cession des titres intervient 3 ans après l’apport
C’est le cas le plus avantageux : la Holding n’a aucune restriction et peut réinvestir le produit de cession comme elle l’entend. Elle peut par exemple acquérir des biens immobiliers, investir dans des actions en ouvrant un contrat de capitalisation ou un compte-titre, etc.
Contrairement à la situation précédente, la Holding n’est pas obligée de se livrer à une prise de participation ou d’investir dans des entreprises non cotés, des investissements souvent risqués et peu liquides.
Vous l’aurez compris : il est bien plus intéressant pour un dirigeant actionnaire de faire son apport de titre au moins 3 ans avant toute éventuelle cession. Il lui faut donc anticiper cette éventualité et créer une Holding s’il souhaite vendre ses parts sur le moyen terme.
Comment récupérer le capital
Quelle que soit la situation que nous évoquons, cela implique de laisser le produit de cession au sein de la Holding. Est-il possible de récupérer le capital ? Oui, bien heureusement ! Vous pouvez vous verser des dividendes, qui seront taxés au Prélèvement Forfaitaire Unique (PFU) de 30% jusqu’à 100 000€ (la taxe devient plus élevée au-delà).
Finalement, en récupérant les liquidités à titre personnel on se retrouve toujours à payer la taxe de 30%. Finalement quel est l’enjeu de décaler le paiement de l’impôt quand il sera de toute façon payer un jour ou l’autre ?
D’abord parce que cela permet au bénéficiaire de capitaliser une somme plus importante qu’elle ne l’aurait été après impôt. Ainsi, faire fructifier un capital de 100k€ sera plus intéressant qu’un capital de 70k€. Sur le long terme, les bénéfices générés peuvent facilement dépasser le montant de la taxe sur la plus-value.
Ensuite parce que le report d’imposition expire en cas de transmission (sous certaines conditions). L’apport-cession de titres est donc intéressant dans une optique de transmission de son patrimoine.
Evidemment ce schéma est particulièrement intéressant si le bénéficiaire n’a pas besoin de ces liquidités pour vivre, et qu’il peut se permettre de laisser le capital dans la Holding.